Lettre ouverte à Monsieur Eric BESSON



LETTRE OUVERTE A MONSIEUR ERIC BESSON,

MINISTRE CHARGE DE L’IMMIGRATION





Sur les dangers de la réforme ministérielle relative aux interventions de la société civile dans les centres de rétention administrative


Monsieur le Ministre,


Nous, élus de la République, tenons à vous faire part de nos plus vives préoccupations concernant la publication le 22 août 2008, par les soins du ministre de l'Immigration, du décret qui modifie en profondeur les conditions d'intervention dans les centres de rétention administrative (CRA) en matière d'information et d'exercice effectif des droits des étrangers qui y sont placés, et des deux appels d'offres qui s'en sont suivis, le premier ayant été annulé par le tribunal administratif de Paris le 30 octobre 2008.

Cette réforme, telle qu'elle a été engagée par votre prédécesseur, n'est pas acceptable. Nous avons la conviction profonde que cette démarche ne peut qu'aggraver les situations vécues par les retenus en même temps que dégrader substantiellement ces conditions d'intervention.

Nous considérons en effet que le fait d'émietter la mission en rétention par un appel d'offres instituant un marché public éclaté en huit lots géographiques différents, indépendants les uns des autres, empêchera dorénavant d'avoir une vision d'ensemble de la situation qui prévaut dans ces lieux d'enfermement, réduisant considérablement la qualité de l'aide juridique aux personnes retenues.

Alors que les lois relatives aux étrangers n'ont jamais été aussi restrictives, alors que la situation dans les CRA n'a jamais été aussi tendue, alors que le droit d'asile est de plus en plus inaccessible, nous ne pouvons pas accepter qu'on remette ainsi en cause la mission « d'accompagnement et de défense des étrangers » et qui garantit aux personnes retenues l'exercice effectif de leurs droits fondamentaux.

Cet appel d'offres dénature entièrement cette mission en la réduisant à une seule mission d'information. Il constitue en cela une menace réelle pour l'exercice des droits des étrangers. Cette volonté d'entraver l'action de la société civile était d'autant plus inquiétante qu'elle intervient dans un contexte marqué par la « politique du chiffre » en matière d'éloignement des étrangers et les menaces contenues dans la « directive retour » adoptée par le Parlement européen et le Conseil des ministres de l'Union européenne, qui allonge lourdement la durée de la rétention.

Les nouveaux textes prévoient certes que les titulaires du marché pourront exprimer des opinions et critiques d'ordre général mais, dans une telle logique de concurrence, aucune garantie ne peut être donnée que l'attribution ou le renouvellement de ce marché ne seront pas dépendantes de l'attitude observée par les associations concernées.

Compte tenu de ces observations, nous vous demandons avec insistance, de bien vouloir intervenir pour que soit reconsidéré le contenu de ce décret et de l'appel d'offres consécutif qui ne nous paraissent pas conformes à l'esprit de la loi. Nous vous demandons également de procéder à une large concertation avec les associations attachées au respect des droits fondamentaux des personnes afin de réfléchir à la mise en œuvre d'une mission nationale cohérente assumée conjointement par plusieurs organisations non gouvernementales.

En vous remerciant de l'attention que vous voudrez bien porter à notre demande, nous vous prions de croire, Monsieur le Ministre, à l'assurance de nos salutations distinguées. 



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